Apnée : Alice Modolo, la Grande Bleue
Elle est l’une des meilleures dans son domaine : l’apnée. À 36 ans, Alice Modolo ne cesse de repousser les limites de son corps pour descendre toujours plus profond sous la surface de l’eau. Le but de ses plongées ? Découvrir qui elle est, grandir et avancer. La championne française nous raconte son destin peu commun, dans un sport peu commun. Portrait d’une « bleue » devenue grande.
Par Floriane Cantoro. Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°19 de janvier-février-mars 2021.
Si un remake du film « Le Grand Bleu » sortait en 2021, il pourrait largement s’inspirer de la vie d’Alice Modolo. Comme les protagonistes du film de Luc Besson, les légendaires Jacques Mayol et Enzo Molinari, la jeune femme de 36 ans ne connaît le bonheur absolu qu’en côtoyant les profondeurs marines.
Pourtant, rien ne prédestinait cette « fille de la terre » à élire domicile en milieu aquatique. Auvergnate d’origine et sujette au mal de mer, Alice Modolo ne découvre l’apnée qu’à 23 ans, en passant son deuxième niveau de plongée bouteilles dans une piscine de Clermont-Ferrand. « Dans la ligne d’eau d’à côté, il y avait des apnéistes qui parcouraient des distances folles sans respirer. J’ai tout de suite été fascinée ! », se souvient-elle. Attirée par ces performances ahurissantes, elle laisse tomber les bouteilles de plongée pour l’apnée (d’abord en piscine, puis en mer). Un véritable « coup de foudre » et un tournant dans sa vie.
Car l’apnée a depuis guidé tous ses pas : de son déménagement sur la Côte d’Azur (pour se rapprocher de la mer et l’apprivoiser), jusqu’au choix de ne pas reprendre le cabinet dentaire de ses parents. Plus récemment, Alice Modolo a même pris la décision de suspendre ses activités professionnelles de chirurgienne-dentiste pour se consacrer pleinement à sa passion. « Pour être honnête, ce n’était pas un souhait de ma part mais le cabinet de groupe dans lequel je travaillais venait d’abandonner ma spécialité dentaire », explique-t-elle. Un « coup dur » qui s’est vite transformé en coup du destin. Car Alice y a vu l’opportunité de vivre son rêve palmé à fond, en y investissant 100% de son temps : « L’univers m’a tendu une perche, et je l’ai saisie ». Quatre mois plus tard, la sudiste d’adoption réalisait la plongée de sa carrière à -95 m, une performance qui la classe parmi les dix meilleures femmes du monde et parmi les dix meilleurs hommes français de tous les temps.
La technique des bains glacés
Si Alice Modolo a su s’imposer dans cet univers de l’apnée (plutôt masculin sur le papier), c’est grâce à une approche bien spéciale de la discipline. La championne française a choisi, dans un premier temps, de laisser de côté la partie physique de l’entraînement pour se concentrer sur le mental. « En apnée, on se prive d’une fonction vitale qui est de respirer ; pour moi, cela demande plus d’engagement que de force », se justifie-t-elle. Aussi, pour oser dépasser ses peurs comme il faut le faire en plongeant, Alice a expérimenté la technique des bains glacés.
« Quand je plonge, je ne peux pas avoir de pensées parasites. Je suis obligée de lâcher prise, c’est salvateur. »
Alice modolo
Elle s’est également adjoint les services d’un préparateur mental pour travailler tout ce qui touche à la concentration, et pratique assidûment le yoga afin d’assouplir sa cage thoracique. « Je trouvais incohérent de commencer par me sculpter un corps d’athlète qui va consommer beaucoup d’énergie dans une discipline qui vise justement à l’économie […] Nous [les femmes, ndlr], nous n’aurons jamais les capacités respiratoires d’un homme, alors nous faisons avec nos atouts ! ». En l’occurrence : discernement et pragmatisme.
Irrésistiblement attirée par les fonds
Un spécialiste la suit également pour la compensation des oreilles car l’apnée nécessite une technicité spécifique. À chaque plongée, Alice risque la syncope. « Il faut bien comprendre qu’en descendant, on se fait tellement écraser par la pression de l’eau que nos poumons atteignent la taille de deux oranges », explique la championne française. « Au départ, cela fait peur et c’est même inconfortable d’arrêter de respirer mais quand on dépasse ce stade et qu’on ose vivre l’expérience, on se rend compte qu’on n’utilise en réalité que 20 % des capacités du corps humain. C’est fascinant ! », extasie-t-elle. Mieux encore que cette fascination : sous l’eau et privée d’air, Alice a trouvé… son oxygène. « Quand je plonge, je ne peux pas avoir de pensées parasites. Je suis obligée de lâcher prise, c’est salvateur. […] Les idées deviennent plus claires et je peux prendre des décisions quand je refais surface. » En fait, paradoxalement, plus elle descend profond et plus elle se sent bien. Son rêve ? Ressentir un jour cet état de plénitude sur la terre ferme. Alice Modolo aimerait également dépasser la barre mythique des 100 m de profondeur mais « plus pour les émotions que pour la performance en elle-même. Ce qui me plaît dans ce sport, c’est tout ce que j’apprends sur moi au passage. »
Outre cette introspection, l’apnée lui a aussi ouvert les yeux sur le monde. Sportive engagée, Alice Modolo soutient l’association Grégory Lemarchal de lutte contre la mucoviscidose (elle qui fait justement un sport de souffle) et l’ONG « Planète Urgence » qui oeuvre pour le développement durable. « Dans cette société qui consomme beaucoup, on ferait mieux d’être un peu plus économe comme en apnée. En ce sens, mon sport me donne beaucoup d’espoir ». Et ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ?
(Photo by Takuya Terajima) (Photo by Takuya Terajima) (Photo by Takuya Terajima)
DANS UN CLIP DE BEYONCÉ !
Alice Modolo a joué les actrices sous-marines dans le clip « Runnin’ (Lose It All) » de Beyoncé (ft. Naughty Boy) sorti en 2015. Résultat : 400 millions de vues pour notre apnéiste française… et une bonne sinusite qui l’a empêchée de plonger pendant un an.
https://youtu.be/eJSik6ejkr0
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